CHIHUAHUA "Hommage à PASCAL BORNE" : compte rendu
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CHIHUAHUA "Hommage à PASCAL BORNE" : compte rendu
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« Compte rendu détaillé du concert “Hommage à PASCAL BORNE”
de CHIHUAHUA (Napo Romero & friends),
le 14 février 2015 au CLEUB (Montreuil-sous-Bois) »
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CHIHUAHUA (Napo Romero & friends)
Concert “Hommage à PASCAL BORNE”
(guitariste de Chihuahua 1992/1994, Kingsnakes,
Hot Pants)
le samedi 14 février 2015
au Cleub à Montreuil-sous-Bois (93) :
Evénement : vingt ans après leur séparation, les membres du groupe Chihuahua dans sa formation optimum rejouent ensemble pour un soir.
Napo Romero (chant, guitare), Matu (claviers façon “Sandinista !”, membre d’Indochine de 2005 à 2015), Lolo Ganzaman (basse), Mamak Vachter (sax alto), Peter Chanteau (sax ténor), Simon Strange (trombone) et Léon Teoquer (batterie) saluent ainsi la mémoire de leur ami Pascal Borne. Ce guitariste était à leurs côtés sur scène de fin 1991 à 1994.
Il s’agit d’un concert quasi improvisé, organisé une quinzaine de jours plus tôt. « On veut lui rendre un dernier hommage en musique. Ça va jammer à fond toute la soirée. On fera la soirée dont il aurait rêvé », précise début février le bassiste Lolo sur internet.
23h20 : « Baissez les sonotones, ça va faire mal ! », lance Napo en guise de vanne-décompression. Après quelques accordages de basse, claviers, guitares, Chihuahua démarre son set avec “Here We Go”, comme il y a vingt ans. Direct, on se replonge dans l’ambiance de cette époque (1). La magie opère.
L’alchimie entre ces sept musiciens revient illico, tout comme au bon vieux temps du rock et roll. Il n’y a rien de pathétique (dans le mauvais sens du terme). Le groupe a pourtant a priori peu répété. Ou alors dans l’urgence, Napo étant actuellement en tournée avec les Hurlements d’Léo qui “chantent Mano Solo” (avec qui Napo a joué).
Heureuse surprise : le son est bon, dans un lieu pourtant pas conçu à l’origine pour des concerts (un appartement-loft fourre-tout situé au rez-de-chaussée du 46 rue Marceau).
Le public est constitué d’amis du groupe (dont Hervé Haine) et de Pascal Borne. Il y a des membres de sa famille. Son fils, en chemise rouge flashy, est souriant, heureux d’être là et de la chaleur humaine qui règne entre les uns et les autres. Logique, d’accord, mais troublant quand même : il ressemble énormément à son père Pascal sur les photos 1985/1986 des Hot Pants.
En fond de scène : une reproduction d’environ 3 mètres sur 1 mètre d’une photo de Pascal B. sur scène. Bandeau dans les cheveux, regard de killer et guitare en mains. À l’opposé, en fond de salle, donc face au groupe lorsqu’il joue, une très belle affiche géante du même guitariste. Et légendée “Une Étoile de plus dans le Ciel… 1959-2014”.
“Yo Te Quiero” est un reggae rock à la Clash, façon “Revolution Rock”, que chantait Pascal au sein de Chihuahua. Peut-être même est-ce lui qui a composé ce titre. Par la force des choses, c’est Napo qui au micro cette fois s’y colle.
Les trois cuivres, Mamak, Simon et Peter, s’éclatent, se répondent les uns les autres, dubbent entre eux. Le son du trombone passe par-dessus celui des saxos et vice-versa, avec de l’écho, et en chouette fond sonore les claviers de Matu.
Arrive l’hymne chiwaw’ et cuivré à l’amitié : “We Got Friends”. Un morceau carré, qui claque et qui sonne. Dans l’esprit des titres de l’album “London Calling” des Clash (oui, là encore, mais c’est bien). Et qu’ils interprétaient souvent lors des rappels. En 1992/1994, Napo chantait le premier couplet, Pascal le deuxième (ou l’inverse), etc., et tous deux interprétaient ensemble le refrain.
“Madrid me mata” était l’un des moments les plus forts de leurs concerts. C’est aussi le cas ce soir. Normal, il est issu de l’album-référence du groupe “Fiesta de la mort” (1987), à la production brute mais authentique et live. Et il s’agit d’un rock rentre-dedans bien énergique, où Napo et les cuivres peuvent y aller à fond, ce morceau étant conçu pour cela.
Ils jouent ensuite l’air populaire “Pepito” sur la construction rythmique de “Should I Stay Or Should I Go?” (du groupe de Joe Jones et Mick Strummer, là encore, on ne va pas se refaire, surtout à plus de 50 ans passés). « Pepito mi corazon / Pepito de mis amor / Canta me asi (« Houwaaaaah », par Mamak choriste au taquet dans le micro, ça l’effectue) / Canta me asi (« Houwwaaaah ») / Con amor », etc.
Ils enchaînent illlico avec un reggae ska sympa mais série B de leur répertoire scénique. Le seul morceau faible du set, le moins indispensable. Peut-être parce qu’il met en avant une ambiance youkaïdi youkaïda rigolote alterno (2). Alors que Chihuahua 1992/1994 (et 2015), c’est un terrible groupe de rock’n’roll puissant et éclatant. Avec plein de guitares et de cuivres. Et des compositions solides, qui n’ont rien à voir avec d’amusantes tiguiluperies inoffensives.
“Chaval”, titre à succès, est ensuite joué. Une grande et belle réussite populaire que ce morceau, aussi bien dans sa version studio qu’en live. Un rock euphorique, positif et pas neuneu. Des cuivres rebondissants. Des chœurs à l’atmosphère “poing levé” (mais dans une ambiance joyeuse). Une troisième et dernière partie instrumentale accélérée tendance punky. Chavalito !
Clin d’œil au premier maxi 45 tours du groupe, “Say It Babe” est un slow rock medium. Un disque sorti en 1985, à l’époque où Chihuahua était parmi les premiers groupes français à faire du rock’n’roll latin, aux côtés de Corazon Rebelde (formation menée par Cacho Vasquez), entre autres. Au passage, Manu Chao s’est beaucoup inspiré de Chihuahua pour le concept musical de Mano Negra.
Depuis 1987, “Porque te vas” est la reprise-étendard de Chihuahua. « Porque te vas, Pascalou ?! », lâche dans le micro Lolo vers la fin du titre.
Cette chanson est interprétée à l’origine en 1974 par Jeanette Dimech (bande originale du film “Cria cuervos” de Carlos Saura). Les rockers parisiens de Chihuahua ont toujours su en faire une version toute aussi mémorable que l’original. Dans un rythme plus speed, punky. Tout en gardant l’essence même des paroles et de ce morceau.
Il est fort probable que le Napo enfant et ado ait écouté des centaines de fois l’album “Porque te vas” (1976) de Jeanette. Les chansons y sont toutes très émouvantes. Et il y règne tout du long comme une mélancolie franco-espagnole que l’on retrouve dans l’album “Fiesta de la mort”.
“Let’s Stick Together” représente bien le style et le son des compositions de Chihuahua dernière période (le début des années 1990) : un rock carré, nerveux, avec un gros son de guitares racées, des cuivres et une base rythmiques solides, un refrain qui envoie.
“Hell” est un rock typiquement à la The Rolling Stones, avec riffs à la Keith Richards et chant total Mick Jagger. Cette ballade façon “Angie” était interprétée (peut-être écrite et composée) par Pascal lors des concerts de Chihuahua. On sent que Napo, ce soir, la reprend avec émotion et une énorme pensée pour son ami.
En rappel : la chanson africaine “Aguissé” du batteur Léon (pas vue afin d’arriver à temps à Gare du Nord avant 1h du matin).
Pascal Borne était un grand guitariste de rock’n’roll français. Chose incompréhensible et choquante : hormis ses amis (de la “vraie vie”) sur Facebook, aucun média (presse papier, radios, internet) même spécialisé n’a évoqué son décès, survenu fin décembre 2014.
Certes inconnu d’un large public populaire, il a tout de même joué au sein des Hot Pants, menés par Manu Chao (45 tours “So Many Nites”, 33 tours “Loco mosquito” en 1986). C’est grâce à cette formation que la Mano Negra verra le jour. Et que, dans la foulée, elle deviendra le groupe-catalyseur de l’énergie de (centaines de) milliers de jeunes Français au début des années 1990.
Il y a eu ensuite les Kingsnakes. Dans le solide album “More !” (1988), on entend la fulgurance et l’inspiration qu’amènent Pascal Borne et deux autres ex-Hot Pants : Santi (batterie, futur Mano Negra) et Jean-Marc Despeignes (basses). Pascal se partage le chant avec Daniel Jeanrenaud, leader et créateur des Kingsnakes. Il y a de superbes reprises (“Iko Iko”), des originaux (“Wild”, que Pascal interprétera aussi plus tard sur scène au sein de Chihuahua, “I’ve Been Down”, etc.).
De fin 1991 à 1994, donc, il joue avec flamboyance au sein de Chihuahua, se partageant le chant et les guitares avec Napo Romero. Cette formation précise — celle qui s’est produite le 14 février 2015 à Montreuil — avait le feu sacré.
Sur scène, ensemble, ces musiciens étaient du même niveau que Mano Negra. Chacun de ces deux groupes ayant son propre son dans le style rock’n’roll à tendance latino.
Sauf qu’à la même époque, sur le plan discographique, Mano Negra était loin devant la bande à Napo avec leurs pétaradants albums “Patchanka”, “Puta’s Fever”, “King of Bongo”, “In The Hell Of Patchinko” (le meilleur live de rock français) et “Casa Babylon”.
De son côté, Chihuahua traînait son disque “Nomad land… ” (1990) quasiment comme un boulet. Sympathique et agréable, l’album est desservi par la réalisation variété rock et gentiment timorée de Jeremy Green.
Hormis la chanson “Chaval” enregistrée comme il le fallait, il ne reflète pas du tout la puissance scénique du groupe. Les guitares sont en retrait au profit d’un son world music et pop FM.
“Lili” et “Barcelone the Sea” sont enrobées d’arrangements chantilly, sucrés et mielleux. En plus, les compositions ne sont pas aussi aiguisées et percutantes que celles interprétées en live de 1992 à 1994 : “Killer”, “Last Time”, “Wild”, “Walking Down” (ainsi que les titres joués à Montreuil ce 14 février 2015).
D’ailleurs, lorsque Pascal Borne a intégré les Chiwaw’, ceux-ci ne jouaient que deux extraits du CD : “Oh ! oui” (jusqu’au début de l’année 1992 uniquement) et “Chaval”. Ce dernier titre est l’un des trois “tubes” de Chihuahua, avec “Madrid me Mata” et “Porque te vas” (issus du premier 33 tours “Fiesta de la mort”, à la production beaucoup plus vivifiante bien que plus roots).
En écoute sur Spotify et Deezer, “La vie en vrac” (2013) est l’unique album (autoproduit) de Pascal Borne paru sous son nom. Le All Star Band — incluant Lolo (basse) et Léon (batterie), deux Chihuahua — l’accompagne.
Il manque comme un œil extérieur, une sorte de directeur artistique qui aurait pu superviser le tout. Faire retravailler telle partie de chant, améliorer certaines paroles. Enlever trois ou quatre titres qui déséquilibrent l’album. Les chansons sont inégales. Certaines sont plus pertinentes et réussies que d’autres.
En tout cas, ces treize morceaux font tous ressortir l’amour (resté intact jusqu’au bout) qu’avait Pascal pour le rock’n’roll, la musique en général et la vie. D’accord, ce disque apparaît anachronique et décalé par rapport aux critères radiophoniques en vigueur dans les années 2010. Mais il sonne volontairement rock’n’roll à l’ancienne. Donc éternel.
François Guibert
(21 février 2015)
(1) : groupe vu :
— le 18 janvier 1992 à La Clef/L’Eclipse à Saint-Germain-en-Laye (78).
— le 4 avril 1992 au Pigall’s (Paris).
— le 17 juillet 1992 en plen air dans le jardin d’une MJC à Montreuil-sous-Bois (93).
— le 10 septembre 1992 au New Moon (Paris).
— le 7 novembre 1992 au Café de la Danse (Paris, au profit d’Act Up).
— le 8 novembre 1992 à la Mutualité (Paris, fête “Black Blanc Bleur”).
— le 16 janvier 1993 à la MJC de Saint-Denis (93).
— le 30 janvier 1993 au Pré-Saint-Gervais (93).
— le 28 novembre 1993 à l’Elysée Montmartre (Paris, avec l’Echo Râleur, Mado et ses Demi-Thons, La Tordue, etc.).
— et enfin leur dernier concert dans la capitale : 26 juin 1994 au Passage du Nord-Ouest (Paris).
(2) : comme “Ça sent la mort”, leur libre adaptation de “Je vends des robes” de Nino Ferrer (album “Fiesta de la mort”). Ou l’anecdotique “Soleil Rey” (compilation “Mon grand frère est un rocker”, 1988).
GUIBERT FRANCOIS
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